Profil

Florence Dupré la Tour est née en 1978 dans une famille bourgeoise et catholique traditionaliste. À travers ces deux tomes auto-biographiques, elle nous raconte son adolescence et sa découverte de son corps de femme, sujet tabou dans sa famille. Elle décortique les mécanismes de la reproduction sociale, de l’endoctrinement des petites filles pour en faire des femmes soumises. Elle raconte surtout son émancipation. J’ai beaucoup aimé ce récit. Il est bien sûr singulier, raconte de l’intérieur un milieu social assez spécifique, mais dans sa description de la construction de son identité de genre, j’ai l’impression qu’elle touche à l’universel (menfin, je suis un mec, donc je peux difficilement en juger). Je conseillerais cette BD aux ados, garçons et filles, et aux plus grand·es.

Plus que de magie, c’est de la relation entre deux sœurs dont il est question ici. Félicité et Agonie sont deux jumelles. Mais dès leur naissance, leur mère les a traitées très différemment, entourant l’aînée d’une affection étouffante, rejetant la cadette. Après 30 ans de séparation, la mort de leur mère va être l’occasion pour les deux sœurs de se retrouver, et, en découvrant progressivement l’histoire de leur mère, de s’émanciper de son influence. J’ai tout aimé de ce récit, la personnalité des deux sœurs, l’intrigue qui avance doucement mais tient en haleine jusqu’aux dernières pages, la magie discrète, les discussions avec des fantômes autour d’un thé…

Je crois que La Volte, c’est vraiment trop perché pour moi. Alors bien sûr, il y a de très jolies phrases, de bien belles images dans cette Koinè. Mais je suis trop rationnel, j’ai besoin d’un fil, de comprendre, et les récits comme celui-ci (ou Melmoth furieux, également à La Volte) me déconcertent. Bref, je suis passé à côté de ce joli texte trop poétique pour moi.

Un petit livre émouvant. Dans une succession de courts textes, entrecoupés de poèmes, l’autrice s’adresse à sa sœur aînée, morte à 33 ans d’un cancer. Elle évoque leur enfance, les femmes de la famille, les hommes, et la vie dans leur village de Bretagne. Un texte touchant.

Après le plaisir éprouvé à la lecture de plusieurs récits dans les forêts du Québec en hiver, j’ai voulu voir si l’ambiance était la même en Alaska. Sauvage est un roman tout aussi déroutant que prenant. Déroutant, car il oscille en permanence entre récit de vie dans la nature, fantastique et suspense. Tracy est une adolescente, vivant dans une famille de mushers, qui n’aime rien tant que passer sa vie à chasser dans la nature. On découvre peu à peu ses dons, tandis qu’une ombre rode autour de la maison. Une fois acceptée ambivalence du genre, j’ai accroché au récit et l’ai lu pratiquement d‘une traite. Je n’ai pas vraiment réussi à éprouver d’empathie pour l’héroïne, mais l’histoire est menée de façon efficace, et laisse la place aux interprétations. Un bon moment.

Dans un pays en guerre, pour sauver son dernier enfant, une mère l’envoie sur la route, vers Paris. J’ai beaucoup aimé ce récit, qui a travers une histoire singulière, raconte la route de l’exil. Il ne tait l’horreur ni de la guerre ni du voyage jusqu’en Europe, mais finalement, il met surtout en avant la solidarité, rend hommage à toutes celles et ceux qui n’abandonnent pas leur humanité. Dans la période actuelle, c’est un message qui fait chaud au cœur. Et un livre à lire et faire lire, aux ados et aux moins jeunes.

Dame Nature commence à se lasser des conneries de l’humanité, et décide de le lui faire savoir. Six autrices nous racontent ces tentatives pour nous faire changer de comportement. J’ai bien aimé plusieurs de ces récits, en particulier « Le récit recyclé », texte « oulipesque » de Flore Vésco. Des six auteures, je ne connaissais que Marie Pavlenko, ces nouvelles m’ont donné envie d’aller découvrir les univers de Cindy Van Wilder, Coline Pierré, Marie Alhinho et Sophie Adriansen.

J’ai adoré les premiers chapitres de ce livre pour leur ton. Une petite fille qui découvre qu’elle comprend le langage des oiseaux, un jeune geek qui fabrique une machine à avancer de deux secondes dans le futur. Hélas, j’ai trouvé qu’ensuite l’histoire s’enlisait. Arrivé aux trois quarts du livre, je n’avais aucune idée de l’intrigue. L’action s’accélère ensuite, mais le dénouement arrive alors trop rapidement à mon goût. J’ai bien aimé les personnages, le style, l’ambiance, la volonté de mêler les deux univers de la SF et de la magie, mais je regrette le rythme du récit, qui m’a semblé tantôt un peu lent, tantôt trop rapide. Mais le reste compense cette petite déception, et je regrette qu’hormis un recueil de nouvelles, les autres œuvres de Charlie Jane Anders n’aient pas encore été traduites.

C’est une déception. Ce petit livre reprend une nouvelle d’une quarantaine de pages, parue en 1987, et agrémentée d’un appareil critique de 30 pages. En fait de modernité, j’ai eu l‘impression de lire une nouvelle bien plus ancienne, quand la principale crainte était le nucléaire. Même en 87, j’ai l’impression que le principe d’un monde partagé entre riches vivant dans un ghetto abrité et pauvres survivant à l’extérieur n’était pas nouveau. Une nouvelle d’une lecture agréable, mais qui pour moi ne méritait pas vraiment un livre à elle seule ni les critiques vantant sa modernité lues ici et là.

Il m’a fallu du temps pour entrer dans ce récit. Le temps que mon esprit cartésien admette que les fantômes du passer peuvent venir nous rendre visite, hanter une maison, et que c’est parfaitement normal. Le temps aussi de mettre à jour mes connaissances sur le contexte de l’abolition de l’esclavage aux États-Unis d’Amériques, et la situation des Noires dans les années immédiatement avant et après la guerre civile.

Mais une fois qu’on est dans le bain, que l’eau est bonne ! Le récit est dur, naturellement, mais on s’attache à ces deux femmes si fortes, Sethe et sa fille Denver, à Paul D. et à Payé Acquitté.

Tant par l’histoire que par le style, c’est une lecture qui m’a marqué.

En manque d’inspiration, l’autrice décide d’écrire un livre sur un fait divers. L’exécution du PDG de Renault par Joëlle Aubron et Nathalie Ménigon, d’Action Directe. Elle veut comprendre comme ces deux jeunes femmes ont donné la mort. Elle raconte son enquête, à la recherche de témoignages, et parallèlement se souvient peu à peu de son enfance, d’évènements qu’elle a refoulés. Le livre mélange ainsi ses souvenirs intimes et son enquête sur AD. J’ai failli abandonner plusieurs fois la lecture, l’histoire personnelle de Monica Sabolo ne m’intéressant guère. Mais je ne regrette finalement pas d’avoir poursuivi ma lecture jusqu’au bout. Ce livre offre quelques beaux portraits de militant⋅es révolutionnaires, hier et aujourd’hui, et en particulier d’Hellyette Bess. J’ai longtemps craint un regard manichéen sur le passé, mais à mesure des pages le récit se fait nuancé.